C’est une grande joie que d’entamer cette nouvelle saison en compagnie de l’équipe des Scènes du Jura avec qui j’ai déjà eu l’occasion de partager quelques aventures théâtrales. J’étais ainsi venu en 2011 pour présenter une de mes pièces et conduire à Lons-le-Saunier et à Dole des ateliers d’écriture dans les collèges, les lycées, les maisons de quartiers, les centres sociaux. L’énergie déployée par le théâtre pour se confronter à la société contemporaine avait nourri la mienne. Je travaillais alors sur les différents mouvements dans lesquels en Espagne, en Grèce, au Chili, aux États-Unis, en Tunisie, se soulevaient des jeunesses de tous âges qui, dans des contextes différents, semblaient avoir en commun cette quête impérieuse d’alternative et la détestation d’un système économique mondial intrinsèquement inégalitaire. C’était le début des printemps arabes. Il y avait eu des espoirs, des énergies, et nous étions nombreux-ses dans nos textes à tenter de nous faire les sismographes de ces remous, à interroger les nouveaux possibles. Cinq ans plus tard, comment continuer à exprimer ce qui peut venir nous arracher au sentiment catastrophique qui semble aujourd’hui dominer ? Comme si le pire était absolument certain ? À l’heure où chacun est renvoyé à son identité la plus close, travailler à dire par le théâtre ce qui chez les individus n’est pas réductible, ce qui échappe, excède les représentations figées. Que ce soit ainsi dans les créations accueillies, les textes, les formes que je mène en complicité avec des musiciens, les Anthologies oniriques à travers villes et villages, les rencontres et les échanges, il s’agira toujours de cette question du rapport que nous entretenons encore à l’imaginaire. Et plus spécifiquement au rêve. Quels rêves faisons-nous ? Qu’ils soient diurnes ou nocturnes ? Endormis ou éveillés ? Avons-nous encore des rêves en commun ? Comment l’époque que nous traversons se manifeste-t-elle, se symbolise-t-elle dans nos rêves ? Les rêves ne sont-ils qu’illusoires, ne parlent-ils que de notre intimité la plus stricte ou évoquent-ils quelque chose du monde ? Dans le partage et l’échange avec d’autres artistes, lors du temps fort Urgent Rêver, ou en compagnie des jeunes écrivains du département Écrivains Dramaturges de l’ENSATT, nous continuerons à faire théâtre pour affirmer que tout n’est pas foutu, que la situation n’est peut-être jamais exactement ce que l’on croit, que l’avenir dépend sans doute de notre capacité à le rêver, qu’il y a encore des rêves à rêver, des chants à chanter au-delà des hommes.
Samuel Gallet